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Les origines des premiers Birmans restent à
ce jour mystérieuses.
Entre la réalité et le mythe il n'y a qu'une porte à franchir,
celle du rêve et de la poésie...
Et
c'est ainsi que d'après la plume de Marcelle Adam
naquit une des plus jolies légendes du monde félin.

l'Est du Lac Incaougji, au fin fond d'une région désertique,
sur les flancs du
Mont Lugh, se dresse
le Temple Sacré de Lao-Tsun
protégé de murs infranchissables.
Dans ce temple, vivait
en prière
le vénérable Kittah
MUN-HA,
le Grand Lama précieux entre les précieux,
celui dont le dieu Song-Hio lui-même avait tressé la barbe d'or.

«Pas une minute, pas un regard, pas une pensée de son existence qui ne
fût consacré à l'adoration et à la contemplation de Tsun-Kyanksé : la "Déesse aux yeux de saphir",
celle qui préside à la
transmutation des âmes, celle qui permet aux kittahs de revivre dans un
animal sacré la durée de son existence animale avant de reprendre un
corps auréolé de la perfection totale et sainte des grands prêtres.
Auprès de lui méditait Sinh, son cher oracle, un chat tout blanc, dont
les yeux étaient jaunes, jaunes du reflet de la barbe d'or de son maître
et du corps doré de la déesse aux yeux de ciel . . . Sinh, le chat
conseiller, dont les oreilles, le nez, la queue et l'extrémité des
membres étaient de la sombre couleur du sol, marque de la souillure et
de l'impureté de tout ce qui touche ou peut toucher la terre.
Or, un soir, comme la lune malveillante avait permis aux Phoums maudits,
de s'approcher de l'enceinte sacrée, le grand prêtre Mun-Hà, sans cesser
d'implorer les destinées cruelles, entra doucement dans la mort, son chat divin à ses côtés, sous les yeux
de tous les Kittahs accablés.
C'est alors que se produisit le miracle unique, celui de la
transmutation immédiate: d'un bond, Sinh fut sur le trône d'or et se
jucha sur la tête affaissée de son maître. Il s'arc-bouta sur cette tête
chargée d'années et qui, pour la première fois, ne regardait plus sa
déesse. Et comme il restait à son tour figé devant la statue éternelle,
les Kittahs virent les poils hérissés de son échine blanche devenir
soudain couleur d'or.
Ses yeux dorés devinrent bleus, immenses et profonds saphirs, pareils
aux yeux de la déesse. Et comme il tournait doucement la tête vers la
porte du sud, ses quatre pattes brunes qui touchaient le crâne
vénérable, devinrent d'un blanc éclatant,
du bout des griffes jusqu'à la naissance des doigts, juste à l'endroit
que la chevelure de son maître recouvrait …
Et comme ses yeux se détournaient de la porte du sud, les Kittahs,
obéissant à cet impératif regard, chargé de dureté et de lumière, se
précipitèrent pour fermer sur les envahisseurs les lourdes portes de
bronze. Ainsi, le temple fut sauvé de la profanation et du pillage.

Sinh ne quitta pas
le trône où reposait
son maître, refusant toute nourriture.
Le septième jour il mourut, emportant vers
Tsun-Kyanksé l'âme de Mun-Ha
désormais trop parfaite
pour la terre.
Et quand, quelques jours plus tard, les prêtres assemblés se consultèrent
devant la statue
de Tsun-Kyanksé
pour décider de la succession de
Mun-Ha, on vit
accourir tous les chats du Temple. Tous étaient vêtus d'or et gantés
de blanc, et tous avaient changé en saphir profond la couleur dorée de
leurs yeux.
Silencieux et solennels, ils entourèrent Ligoa, le plus jeune des
Kittahs désignant ainsi la volonté des ancêtres et de la
déesse aux yeux de saphir.
  
« Que meure un Chat Sacré
au Temple
de Lao- Tsun,
et c'est l'âme d'un kittah qui reprend à jamais sa place
auprès de Mun-Ha, au paradis de Song-Hio, le dieu d'or
»
Malheur,
conclut-elle, à celui qui hâte la fin
d'une de ces bêtes merveilleuses,
il souffrira les plus
cruels tourments
jusqu'à ce que s'apaise
l'âme en
peine qu'il a perturbée...»
 
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